Les chroniques de Vang Vien

Mars 2010 :


Nous nous sommes intéressés au potentiel de grimpe Laotien, après avoir découvert en partie la culture du pays. Deux qualités auront permis une adaptation express. Tout d'abord l'expérience acquise lors des précédents séjours, afin par exemple de ne pas s'affoler par la conduite locale ou bien l'utilisation du réseau routier par des usagers de type mammifère cornu, et en plus notre talent inexplicable pour les langues étrangères, ci-dessous un petit exemple de conversation quotidienne :


En Français :
- Salut, ça va ?
- Ça va bien.


En Laotien :
- Sabadiee, sabadiee bon ?
- Sabadiee.


Après notre court séjour aux 4000 îles, nous décidons de rejoindre Vang Vien, au nord du pays : ce coin semble offrir un potentiel de grimpe à même d'apaiser nos corps mutilés par le manque. Nous arrivons, après 24h de bus, dans la modeste bourgade.

Nous partons dans la foulée, les gros sacs sur le dos, glaner quelques informations sur la grimpe locale. Nous recherchons une guest house où se réunissent les grimpeurs, afin de pouvoir se poser, ainsi que pour le topo et du matériel de location. Car effectivement, afin d'être plus léger et pensant pouvoir nous passer quelques temps de notre activité favorite, nous nous sommes munis seulement, mais prévoyant, d'un baudrier chacun et d'un sac à pof ainsi que d'une paire de chaussons pour deux, bien entendu nous avons la même taille de pied.

Le green discovery, voilà l'info trouvée sur Internet. Suite à une bref entrevue, il s'agit là que d'une entreprise qui propose uniquement des découvertes, et ne militant pas du tout pour le développement de l'activité. Malgré tout, sous leurs conseils nous nous dirigeons vers le Adam's climbing school. Possibilité de louer du matériel mais celui-ci n'est pas donné, les tarifs sont plus élevés qu'en France et toujours pas de logement. Il est donc 12h, il nous faudra marcher 45 mns sous une chaleur écrasante, pour arriver au site, l'ambiance est pesante, on ne s'échange plus un mot, le soleil nous arrache les dernières onces de courage.

Après la traversée d'une rivière sur une frêle pirogue, rappelons que nous avons l'ordinateur, les portables et appareils photos avec nous, le site se trouve devant nos yeux. La fatigue étant à son comble, l'impatience aussi. Premier secteur, une dizaine de lignes, un toit de quinze mètres de développé, rempli de stalactites. Deuxième secteur, un canyon, une vingtaine d'itinéraires faciles, un groupe de débutant s'y consacre. Yeux mi-clos, je déambule le couloir rocheux, et qui je vois...

Marie-Line et Jennifer, nos deux québécoises favorites. Coïncidence folle : elles ne grimpent qu'une seule journée, et c'est celle où l'on arrive et dire que durant toute la marche d'approche on se disait que l'on aurait du la consacrer au repos. Après les accolades d'usages, je repère un grimpeur pas comme les autres.

Après cinq minutes de conversation, je sais que cette rencontre transformera notre semaine Thierry, Francophone, Belges, masseur, grimpe depuis 20 ans, possède tout le matériel requit, mais étant seul, cherche des compagnons de cordée. Ce sera le seul grimpeur que nous croiserons durant notre séjour à Vang Vien.

Sommes nous les guides de notre voyage, ou est ce le voyage qui nous guide ?


Je souhaite dédicacer ces quelques lignes à la personne qui a su relayer Benjamin dans mon apprentissage de l'escalade après travail. Celui-ci enseigne comme première et unique valeur : le résultat, la performance, donc l'efficacité. Pour cela il faut accepter que l'éthique et la beauté d'une ligne ne soient que paillettes. Bien entendu cet hommage se trouve être pour Monsieur Tristan Salson. En espérant que lorsqu'il lira les lignes qui suivent, il sera fier de moi.


Lundi 15 mars 2010, Laos, à 20 kilomètres de Vang Vieng, falaise de Na Pha Daeng, la plus réputée du pays. Énorme barre rocheuse de plusieurs kilomètres de larges et d'une centaine de mètres de haut, au sein d'une végétation tropicale. Calcaire extrêmement blanchâtre dont l'adhérence périlleuse, rend la grimpe encore plus technique et précaire qu'à l'accoutumé. Une trentaine de lignes du 5c au 8a+.

Après un bref échauffement, je me lance dans la voie la plus dure du site, comme le souhaite l'école Millavoise. En utilisant le mot de mon maître, le jeu qui suit, consiste à "redonner vie à la voie".

Dans les cas classiques, il suffit par anticipation, de remplir son sac à magnésie d'environ 973 grammes de poudre bien fraîche avant le départ, afin de délivrer une poignée entre chaque mouv', ce qui au passage enneige aussi l'assureur. Il faut reconnaître qu'une ligne pofée ajoute bien souvent un charme à la voie.

Quoiqu'il en soit, il est certain que la fréquentation de cette falaise et tout particulièrement de cet itinéraire doit être extrêmement rare. Une première ascension en artif, en tire clou, c'est à dire tout sauf de l'escalade en libre aura eu pour effet de retirer la plupart des toiles d'araignées et autres insectes vivants dans cette jungle, de plus, les dégaines sont posées, cela devient de plus en plus attrayant.

Un passage supplémentaire par mon compagnon de cordée, aura permis non seulement un brossage investi étant donné son état physique lors de la descente, un véritable coton tige usagé, mais aussi de compléter les méthodes manquantes. Les passages suivants compléteront le nettoyage. Les essais vont pouvoir commencer.

Étant donné la propreté relative de la voie, certaines règles sont à respecter : Ne jamais poser sa main en dehors des préhensions principales, c'est à dire celles qui ont été brossées, donc pas d'intermédiaire ni de paume sinon la magnésie soigneusement déposée au creux de la main et des doigts sera immédiatement remplacée par une épaisse couche de poussière, ce qui ne fourni pas les meilleurs qualités d'adhérence. De plus, tout pied posé est un pied verrouillé cela évite toutes "zipettes" intempestives, mais demande un gainage constant.

Suite à un dévers intense et un rétablissement teigneux le projet ce ponctue avec un jeté juste sous le relais, autant dire que lors de l'enchaînement, il n'est pas question de tomber sur ce pas aléatoire. La solution est toute trouvée, un petit "trait de cake", étique controversé, et le bac de fin qui se trouve être caché derrière un bombé sera plus évident à trouver. Problème, étant donné la pure couleur du caillou cela ne se voit pas. Mon acolyte, dont cette fin accommode très peu, a une idée suite à une mauvaise blague de ma part : il lui suffirait de retirer l'un de ses chaussons et de faire, ce que les générations futures auraient pu appeler "un trait de gomme". Désolé Tristoune, l'acte n'a pas été possible.

Malgré tout, la voie est dorénavant à nouveau réalisable, nous avons su lui redonner VIE.


La falaise de Na Pha Daeng, malgré son potentiel, est loin d'être la raison de la venue de milliers de touristes à Vang Vieng. La vérité est que cette charmante bourgade montagnarde est devenue au Laos le symbole de la dépravation Occidentale et la prostitution Asiatique. Hormis les grosses virées nocturnes deux activés principales occupent nos jeunes gens en journée.

La première se nomme le Tubbing. L'organisation est simple, muni d'une chambre à air de camion, le jeu consiste à se laisser porter par le courant du Nam Song qui va au rythme d'un « lémurien asthmatique ». Étant donné l'intensité de cet effort toute la stratégie de la descente est dans la gestion scrupuleuse des fréquents arrêts « bibine », soit environ tous les vingt mètres. Tradition oblige, nos sportifs de haut niveau se pavaneront fièrement, le reste de la semaine, avec le « Marcel » à l'effigie de cette journée mémorable.

La seconde, me rappelle une tradition lors des « bals traps ». Le « jeu de la bourriche », rappelons les règles pour nos plus jeunes lecteurs : tout consiste à sous-peser, ce qui bien souvent, est un panier garni et à en estimer le poids. Celui qui donne le résultat le plus proche emporte le contenu. Dans notre situation, les différentes bourriches sont extrêmement complexes à juger de part leurs légèretés puisqu'il s'agit de la quantité de linge détenu par une seule et même femme. Le rôle des hommes, pour leur part, sera d'essayer de faire tout ce qu'ils peuvent pour pouvoir sous-peser une bourriche.


RV