Mon Journal Infirme

Vendredi 9 Octobre 2009 :

Derdum : une ville garage. Un lieu où tu peux réparer ton auto tous les dix mètres, le commerce doit fonctionner étant donné le nombre de véhicules en circulation, le tout avec la sonorité qui l‘accompagne.
Afin de sortir de tout cela avec Tristan, nous allons dans la campagne, à l‘extérieur de la ville, tandis que Benjamin et Valentin restent à l‘hôtel puisque ce dernier souhaite protéger les cratères qu‘il a sous les pieds.
16 heures, je demande à mon compagnon de me laisser seul dans le coin discret où nous sommes. Accroupi, face à trente mètres de drôles de statues, je cherche les plus grandes feuilles que je puisse trouver.
Ce que j‘ai mangé hier ne doit pas être sain.



Samedi 10 Octobre 2009 :

Mal dormi pour cause de cauchemar : cela m‘arrive rarement.



Dimanche 11 Octobre 2009 :

Les perfects ne sont plus qu‘un vieux souvenir.
Je reste cloitré avec mon camarade estropié, entre handicapés on se comprend.



Lundi 12 Octobre 2009 :

Les crampes abdominales sont de plus en plus fréquentes.
Je suis de plus en plus fatigué.



Mardi 13 Octobre 2009 :

Afin de sortir de la chambre, avec Tristan nous allons dans une forêt à seize kilomètres de là.
Lors de la ballade chaque rocher est prétexte à une pause, arrivé au pied de la rivière je m‘allonge et reste ainsi jusqu‘à la tombée de la nuit.
Ce soir nous partons direction Manali, j‘espère que le grand air Himalayen me fera le plus grand bien.



Mercredi 14 Octobre 2009 :

Après une nuit de bus dont la réputation n‘est plus à faire, nous passons en un instant de l‘été à l‘hiver, le froid nous saisi, l‘ambiance va être différente.
Arrivé à la guest house on se recouche.
Je gaine toujours autant.



Jeudi 15 Octobre 2009 :

Le mal de ventre s‘intensifie, une simple ballade en ville comblera mon besoin d‘effort physique pour la journée. Pas plus à raconter car je ne fais pas plus.



Vendredi 16 Octobre 2009 :

On rencontre Sandrine et Jean-Luc, on s‘installe chez eux.
J‘emménage le lit.
Il est frustrant de rencontrer des nouvelles personnes et de ne pas pouvoir apprendre à mieux les connaître car la douleur te recentre sur toi-même.



Samedi 17 Octobre 2009 :

Les gars me tannent pour que j‘aille dehors, à l‘extérieur de mon lit, où je passe quotidiennement une dizaine d‘heures, nuit non comprise.
Le programme est le brossage d‘une barre qui se nomme CHICHOGAH. Motivation nulle.
Quarante cinq minutes de marche d‘approche, je me place au devant du peloton afin d‘avancer à mon rythme ou du moins à un rythme.
Au sommet, tout le monde se prépare, je suis prêt à descendre, j‘ai des vertiges. J‘installe mon hamac.
Une heure plus tard je rejoins tout le monde dans la face, au bout d‘une demi heure je m‘installe sur une terrasse, à l‘abri des regards, retire mon baudard afin de me libérer de ce mal de ventre.
Retour : une calamité, pas de souffle, le cœur s‘emballe.
Au moins j‘aurais pris l‘air.



Dimanche 18 Octobre 2009 :

Journée repos.
Je suis détruit, j‘ai mal partout, au ventre comme d‘habitude avec ces incessantes crampes d‘abdominaux mais aussi au dos surement à cause d‘hier à rester dans le baudrier. J‘en profite pour améliorer mes connaissances cinématographiques.
Décision demain je vais au médecin.



Lundi 19 Octobre 2009 :

“ Aujourd‘hui je sors, l‘extérieur ne me fera pas de mal, mais y aller et y rester ?  Quoi qu‘il en soit ce soir je passe au médecin. ”
Direction SOLENG, site de bloc à 2 800 mètres d‘altitude. Dans un premier temps direction la voiture, une mission à la fois, j‘y arrive, je m‘assois cloué en deux.
Une fois au spot, je m‘éclipse derrière un bloc afin de me libérer un maximum.

Premier bloc, pour l‘échauffement, 5b de six mètres, j‘ai peur de me la coller, c‘est pathétique après Hampi et ces blocs en 7a, 7b expo sur une hauteur plus importante. Je demande à Benjamin de me parer, et proche. Quelques vertiges entre les mouv‘, aucune sensation, dans la redescente perte d‘équilibre, j‘ai failli tomber…
La journée va être longue.
Troisième bloc, plié en quelques essais, jamais sorti auparavant, que l‘on côte 6c+ avec les gars. Mieux. Puis un projet en vertical, 7b que je suis content de faire en premier. Malgré tout je garde la forme. Grosse fatigue générale, c‘est fini pour moi.
Médecin 18h. La clinique privé à Manali est tenu par le docteur SHARMA, une charmante dame qui en quelques questions comprend mes maux :

“ You have Amoebic Dysentery 
- And what is it ? ”

Benjamin me répondra plus précisément le soir grâce à la fameuse pensée commune Wikipédia :

“ La dysenterie est une maladie infectieuse grave, aiguë ou chronique du côlon chez l‘humain, caractérisée par des selles fréquentes et aqueuses (diarrhée), souvent mêlées de sang (rectorragie), de mucus ou de glaires et accompagnées de fortes crampes abdominales. Elle est provoquée par l‘ingestion d‘aliments contenant certains micro-organismes, qui provoquent une maladie dans laquelle l‘inflammation des intestins affecte gravement le corps. La dysenterie amibienne ou amibiase, causée par l‘amibe Entamoeba histolytica, un parasite protozoaire microscopique. Il est monoxène : son seul hôte est l‘Homme. Il va d‘abord se loger dans la lumière du gros intestin sous la forme minuta, où il se nourrit des débris du côlon. Puis il évolue en forme histolytica quand l‘immunité de l‘Homme diminue. Il atteint ensuite la forme végétative, hématophage, qui lyse les tissus et pénètre dans la muqueuse intestinale où il va créer des ulcérations. Puis infecte le foie, puis le poumon et le cerveau ”

Après avoir été installé, mes préjugés occidentaux arrivent : comment je vais pouvoir m‘en sortir dans le lieu où je me trouve. Un des infirmiers porte un gilet en laine où le logo Adidas permet de distinguer très clairement une copie, j‘espère que ses compétences sont plus réelles. Je guette chaque seringue afin de vérifier qu‘elles soient déballées. Deux heures d‘injection par perfusion, une première pour moi qui n‘a jamais été à l‘hôpital, à chaque nouveau produit ajouté, ma curiosité ne peut résister à demander de quoi il s‘agit.
Au final, sans confusion possible une bonne journée de première et de perf.



Mardi 20 Octobre 2009 :

Ce matin rendez vous à l‘Hôpital à 11h30 pour une seconde perfusion, encore deux litres et c‘est bon. Il est 11h20, le petit déjeuner est à peine fini. On sera en retard, en Inde cela doit être normal… C‘est Valentin qui a la charge et la gentillesse de m‘emmener, en moto, avec la Royal Enfield de Jean-Luc.
Elle ne démarre pas. Après un quart d‘heure tout a été vérifié, tant pis, on descend dessus en espérant que lorsqu‘elle roulera elle voudra bien se réveiller.
Afin d‘être plus explicite, un peu de descriptif. Le chemin qui relie le village à la route a été créé par les habitants eux même, surement doués dans leurs domaines mais aucun d‘eux ne doit travailler dans l‘infrastructure routière ni même le goudron. Des cailloux granitiques posés les uns à côté des autres, le tout sur 300 mètres de long en épingle car il y a aussi 300 mètres de dénivelé. Le seul véhicule capable d‘affronter ça : un 4/4, et le tout avec un confort approximatif.
Quoi qu‘il en soit le Dakar commence, bilan à la fin du chemin : “ putain de moto de merde ”. La galère continue, elle démarre puis s‘arrête s‘est incessant.

Arrivé au médecin avec plus d‘une heure de retard, la cérémonie recommence mis à part que le chef d‘orchestre a changé, je l‘aimais bien mon infirmier. La dame qui s‘occupe de moi, signale à Valou que cela durera deux heures. Même programme que la veille. Le temps peut paraître long à l‘occasion. J‘apprendrai après que j‘ai attendu quatre heures trente avant que Jean-Luc arrive.
Valentin étant bloqué au garagiste pour cause de moto en panne, il y restera toute la journée. Le rythme Indien influant, les heures se sont écoulées avant que l‘on vienne me chercher. Jean-Luc alias “ Titeli‘ ”, le papillon en Indi, ayant à faire me dépose cinq cent mètres avant la maison toujours avec ses trois cent mètres de dénivelé, un mot pour exprimer ses vingt minutes : un calvaire.
Le soir ça va mieux, je lis, je n‘avais pas ouvert mon bouquin depuis une semaine.

Ordre de médecin quatre jours de convalescence.



Mercredi 21 Octobre 2009 : premier jour de convalescence

Une superbe nuit, que le sommeil est puissant lorsqu‘il est réparateur. Au réveil la vraie déception : “ je suis mal, mais vraiment mal ”. Putain la rechute ! J‘étais si bien. Plus on est haut, plus ça fait mal.
Les gars sont partis grimper avec Jean-Luc et Tic&Tac à la falaise d‘ALLEO.

Bilan de la journée en trois tiers. Premier tiers : le plus dur, je suis en pleine forme ce qui me donne la possibilité de profiter au maximum de la douleur qui m‘est infligée. Le supplice est à son paroxysme. Deuxième tiers : Fatigué par le combat contre la souffrance, je m‘endors, cela soulage. Troisième tiers : 18h je profite doucement de la journée, je finis un film.



Jeudi 22 Octobre 2009 : second jour de convalescence

Ca y est : “ JE REVIS ”. Cela pourrait paraitre ridicule, mais enfin j‘ai la liberté d‘esprit de penser à autre chose. Ce matin je me suis surpris à rêvasser, il est si agréable de dépasser les simples états ainsi que les simples actes primaires. Première journée paisible depuis bien plus d‘une semaine.



Vendredi 23 Octobre 2009 : troisième jour de convalescence

Savoir encore rester tranquille. Tristan et Valentin sont partis brosser. Etant donner le souvenir non délectable de la dernière journée à la falaise de CHICHOGAH, pour une fois je ne suis pas mécontent de rester une journée de plus à la maison, demain je sors. Avec Benjamin nous passons notre journée à regarder des films, à s‘occuper du site, et préparer le trip moto à venir.



Samedi 24 Octobre 2009 : quatrième et dernier jour de convalescence

Journée grimpe, bloc à Vashisht à 2 400 mètres d‘altitude.
Arrivé au village en contre bas, la marche d‘approche dure à peu près quarante cinq minutes et se trouve être une suite interminable de marche d‘un dénivelé d‘environ 500 mètres.
Retour au goût de l‘effort, mon corps va-t-il y réussir après tant de jours sans activité.
Ambiance superbe, dans un magnifique paysage. Une forêt de pommiers aux couleurs de l‘automne. Arbre suffisamment grand pour t‘installer dans un cocon végétal et suffisamment petit afin de laisser paraitre l‘ensemble des sommets qui nous entoure. Ces montagnes sont un défi spatio-temporel, elles donnent l‘impression d‘être à porté de main, alors qu‘il faudrait pour certaines une quinzaine de jours pour y accéder.



Dimanche 25 Octobre 2009 : fin des journées de convalescence

Départ pour un trip de cinq jours en moto. Ballade dans la région de l‘HIMACHAL PRADESH.
Expérience : Je suis montée moins de cinq fois à l‘arrière.
Objectif : Partager la conduite d‘une des “ Royal Enfield ” avec Valou.



BILAN :

Cela aura duré une quinzaine de jours.
Il est toujours plus plaisant d‘être malade dans un endroit magnifique, le temps y est agréable, en milieu de journée la chaleur est bien présente malgré que l‘on soit fin octobre et surtout en altitude.
La maison se situe à 2 000 m, autour, tout culmine entre 5 000 et 6 000, et pourtant la douleur me tordant m‘obligeait à regarder mes souliers : “ Quelles sont belles mes Five Ten, mais que j‘ai mal ”.
Malgré l‘ironie il s‘agit d‘une histoire qui manque d‘humour, mais qui apporte une sacrée expérience qui m‘a permis de mieux ressentir, au sens propre comme au sens figuré, la souffrance, l‘état d‘esprit et la vie d‘une personne clouée dans un lit.


Hervé